Le leader, le Super 8 et la Croisette

Le leader, le Super 8 et la Croisette

L'édito de la semaine

Tous les vendredis, nos programmations sont accompagnées d'un édito qui vous présente les films de la semaine. Vous pouvez le recevoir par mél en vous inscrivant à la newsletter, mais aussi retrouver toutes les archives ici !

Recevoir l'édito par mail

En ce temps-là, partout en Europe, le national populisme gagnait du terrain.

Ces mots ouvrent notre coup de cœur de la semaine. Dans L'Expérience Blocher, Jean-Stéphane Bron suis de très - très - près Christophe Blocher, celui qui a fait du parti du Peuple le 1er parti de Suisse. Dans sa voiture (et même jusque dans son lit !), le cinéaste choisit certes de pénétrer l'antre du leader milliardaire mais il le filme avant tout comme un homme. Car s'il y est ici question de filmer l'ennemi, il s'agit aussi de voir comment se construit un inconscient collectif et ses zones d'ombres, comment une histoire nationale se raconte et s’incarne. Et comment le discours populiste s'immisce progressivement dans nos démocraties.


Autre continent, autre nationalisme. Toute une nuit sans savoir nous fait rencontrer un populisme moins feutré, celui qui secoue l'Inde et qui a provoqué en 2015 le soulèvement et la violente répression des étudiant•es de l'école nationale de cinéma. Mêlant des archives - images de manifestations aussi bien que de nuits de fêtes - à des lettres écrites par une étudiante à son amoureux dont elle est séparée, Payal Kapadia tisse « un brûlant manifeste cinématographique, d'une grâce rare » selon le programmateur Jürgen Ellinghaus qui présente ce film comme « un assemblage onirique qui mêle l'intime et le collectif, le politique et le poétique. »

La jeune cinéaste a obtenu pour ce film l'Œil d'or du meilleur documentaire au festival de Cannes en 2021 et elle rejoint cette année la sélection officielle du festival avec son nouveau film All We Imagine As Light. Nous vous proposons cette semaine quatre films passés par le fameux festival qui anime en ce moment la Croisette.

Sélectionné en 2022, Les Années Super 8 s'appuie comme chez Kapadia sur des archives personnelles et tisse petite et grande histoire. Quelques mois avant de recevoir le prix Nobel de Littérature, Annie Ernaux pose ses mots sur les images muettes tournées par son ex-mari et nous permet, à partir de ce qu'il y a de plus intime - la vie d'une famille et notamment ses vacances - d'accéder à l'histoire d'une décennie, celle qui a suivi 68, à ses bouleversements sociaux et politiques.

Sélectionnés la même année à la Quinzaine des Cinéastes, Verena Paravel et Lucien Castaing-Taylor brouillent à nouveau les échelles avec De Humani Corporis Fabrica. Après avoir ausculté un bateau de pêche dans Leviathan, ils nous font cette fois plonger dans le corps humain, nouvel objet de leur exploration et expérimentation visuelle.

Trainer en pyjama, parler à un mini-punk, slamer… Funambules, sélectionné par l'Acid à Cannes en 2O2O nous fait découvrir la petite chanson qui anime ces gens dont on dirait qu'ils ont franchi la ligne et qui ici nous sont proches. Un film qui nous raconte une autre histoire et qui fait du bien.


Si vous boycottez les tapis rouges et autres festivals, vous pouvez choisir de vous laisser emporter au fil de l'eau par Méandre(s), en suivant cette expérimentation musicale et sensorielle en noir et blanc.

De quoi nous ramener en Suisse et méditer ces mots du poète Gottfried Keller, cités par Christophe Blocher : « Cela s'est-il vraiment passé ? Telle n'est pas la question. La perle de tous les contes, c'est leur sens. »

Bons films !