L'Amazonie, la maison qui brûle

L'Amazonie, la maison qui brûle

L'édito de la semaine

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« La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer, et nous refusons de l'admettre. L'humanité souffre. Elle souffre de mal-développement, au Nord comme au Sud, et nous sommes indifférents. La Terre et l'humanité sont en péril, et nous en sommes tous responsables. » Ce discours d'un grand leader écologiste du 20e siècle, Jacques Chirac, était introduit par le fameux : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » C'était en 2002.

Alors que la Cop 30 (c'est-à-dire que c'est la trentième) s'ouvre ces jours-ci au Brésil, à Belém du Pará, regardons du côté de l'Amazonie. Il y a là 390 milliards d'arbres. Et quelques centaines de milliers d'humains qui vivent au cœur de la forêt. Notre Tours, détours de la semaine se consacre aux Peuples d'Amazonie. Trois films qui se placent résolument du côté de celles et ceux qui, plus que simples habitants de ce territoire, en sont les premières nations.

D'abord, Corumbiara. Pour Fabien David, qui programme ce Tours, détours : « un geste cinématographique fondateur, dont l’enjeu déborde largement le cadre du cinéma ». Le film accompagne Marcelo Santos, un indigéniste qui en 1985 avait dénoncé un massacre d'Autochtones à Corumbiara, près de la frontière brésilienne avec la Bolivie. Vingt-quatre ans plus tard Vincent Carelli le suit dans sa quête des traces et des survivants, avec l'attention d'un cinéaste qui a filmé toute sa vie les peuples autochtones du Brésil (il a créé avec eux le projet Video nas Aldeias, consacré à la production locale de films). Fabien David encore : « un film fondamental, qui ne cesse de nous interroger sur notre condition humaine. Et sur le statut des images, sur l’acte même de prendre une image et la violence qui lui est inhérente. Ils sont rares les films dont la raison d’être s’avère à ce point impérieuse, dont les images possèdent une telle force de nécessité. »

La forêt amazonienne est une zone sans cesse soumise aux appétits industriels. Lorsqu'un territoire se trouve convoité, la FUNAI (Fundação Nacional dos Povos Indígenas), organisme public, entre en jeu. Sa mission : protéger la vie des Indigènes, leurs terres et leurs droits fondamentaux. Du peuple Piripkura il reste très peu d'individus. Mais au moins deux, semble-t-il. Alors il faut prouver leur existence, pour défendre leur territoire. C'est l'histoire que raconte Piripkura. Une quête pour retrouver Pakyî et Tamandua, ces deux hommes. Et après la quête, après l'attente, une rencontre qui interroge notre sensibilité en profondeur, et notre condition première d’être humain.

Un autre territoire, menacé par les chercheurs d'or : celui des Yanomani. Et un film dont le co-auteur, Davi Kopenawa, est un chaman ! The Last Forest est un film de résistance : là, on se bat pour préserver les terres pour les générations futures. Et quelles terres ! On accède dans le film à la grande beauté de cette jungle luxuriante et de la vie qui s'y vit. Un film dans lequel la parole du chaman résonne pour son peuple lui-même mais aussi pour nous : « le fait est que cet homme porte la parole de son peuple, mission vertigineuse, et que cette parole nous interpelle – nous, dont les modes de vie sont largement responsables de la menace qui pèse continuellement, et depuis longtemps, sur les peuples d’Amazonie. »


Extinction ? Plutôt rébellion : il n'y a pas de planète B, lit-on parfois sur les pancartes. Alors on se bouge, on a 13 ans, 17 ans, 48 ans, on s'assied par terre, on se fait déloger, on monte dans les arbres, on évite les matraques, on se tient fort par les coudes. Bo et Luca se tiennent fort par les coudes, dans Planet B. Deux camarades de lutte et de vie, dans leur adolescence, qui s'engagent pour un monde qui pourrait être meilleur, plus respirable, moins chargé en CO2. Le réalisateur Pieter Van Eecke les suit pendant quatre ans, au cœur des actions mais aussi dans un quotidien qui laisse la place à des réflexions et des divergences : comment grandir et forger son identité dans un monde dont on considère les adultes irresponsables ? Un film plein d'énergie, au beau milieu de la maison qui brûle !


Pour finir, Xaraasi Xanne : Les Voix croisées. L'histoire d'une aventure exemplaire ! Celle d'une coopérative agricole qui vit le jour dans les années 70, fondée au Mali par des ouvriers militants immigrés d’Afrique de l’Ouest vivant jusqu’alors en France dans des foyers. Les auteurs, Raphaël Grisey et Bouba Touré (qui en fut lui-même co-fondateur) racontent, de rencontres en archives rares, l'histoire de Somankidi Coura : c'est le nom de cette coopérative. Mais au-delà du récit et de son exemplarité, le film s'attache à mettre en lumière ce qu'il fallait de lutte pour contrer les modèles agricoles coloniaux et capitalistes, et pour privilégier d'autres savoir-faire. Caroline Châtelet, qui programme ce film, écrit en conclusion : « Outre la pertinence d'un modèle de production ayant largement fait école, le film dessine le paysage géographique, historique, social, culturel et politique de la coopérative – et la perpétuation des violences coloniales que le projet s'attache à contrer. » Passionnant !

Bons films !