
Eau douce, eau salée
L'édito de la semaine
Tous les vendredis, nos programmations sont accompagnées d'un édito qui vous présente les films de la semaine. Vous pouvez le recevoir par mél en vous inscrivant à la newsletter, mais aussi retrouver toutes les archives ici !
Recevoir l'édito par mail
« Les eaux du barrage ont couvert d'un étang les murs du village, et ses habitants n'en menaient pas large quand est venu le temps du départ. Les eaux du barrage ont couvert maintenant les rues du village, les forêts et les champs, devenus des rivages, des allées et des plages à présent. Où sont passées les places où jouaient les enfants ? » *
Parfois on construit des barrages parce qu'on a besoin d'énergie et d'eau pour l'irrigation et ça fait des lacs qui couvrent des endroits où des enfants jouaient. C'est ce qui se passa dans les années 90 sur la rivière Irati au Pays Basque et c'est ce que raconte Urpean Lurra. Une barrière de 1 337 460 m³ de béton : sept villages engloutis. Le film de Maddi Barber en témoigne par les rêves des habitants de la vallée, et aussi par des images d'archives d'actions écologistes sabotant le chantier – qui se poursuivit malgré des plaintes déposées. C'est un film entre nostalgie et désirs de sabotages. Et évidemment ça nous rappelle que dans le Tarn on est sur le point de relier l'A68 à la rocade de Castres.
« Lac : nappe d'eau stagnante plus ou moins profonde et plus ou moins étendue, entourée de terre de tous côtés ». Le dico ne se mouille jamais trop. Dans Voyage au lac, c'est un lac de cratère : Bolsena, au Nord de l'Italie. Emmanuelle Démoris y filme celles et ceux qui habitent ses rives : des villageois mais aussi des gens de passage venus du continent africain. Nous vous proposons ici la première partie – intitulée À demain – de ce qui est un cycle de trois films au long cours, comme l'était la précédente fresque documentaire de la réalisatrice : Mafrouza. Et c'est un film soutenu en production par Tënk !
De l'eau douce à l'eau salée : d'abord celle de la Riviera turque dans All-In. C'est le parcours de deux jeunes hommes (l'un, maître-nageur passionné de Schopenhauer, l'autre villageois jamais sorti de sa campagne) embauchés pour l'été dans un hôtel « all-inclusive ». Avec donc des animations, des buffets à volonté et des clients rois. Voilà une chronique parfois drôle, souvent amère, de la face cachée de l'industrie touristique et de ses conditions de travail : faut-il en passer par là pour devenir adulte ?
Salée aussi, l'eau de Fuses. C'est celle d'un océan indéterminé, au bord duquel semble se dérouler le film, ou pas. Fuses, ce sont deux personnes, la réalisatrice elle-même et son partenaire, qui se touchent et s'étreignent, et jouent. C'est un court métrage expérimental qui « explore l’amour érotique, à l’encontre des représentations de la sexualité écrites pour le cinéma commercial, et de celles de la pornographie, construites au prisme du regard masculin » écrit notre programmatrice Chloé Vurpillot. « Un film féministe, tendre et amoureux » dans lequel le traitement de la pellicule (grattée, peinte, collée, inversée, colorée) devient porteuse de la puissance organique, charnelle et érotique des deux corps qui là se mêlent... Et aussi, dans le film, il y a Kitch, le chat, qui regarde tout ça...
Salées aussi : les chips ! Vous vous demandiez : Comment fait-on pour... faire les chips ? C'est pas sorcier : il faut commencer par couper des patates. La suite on vous laisse la découvrir, en quatre minutes, dans ce nouvel épisode de notre série de l'été !
Pour finir, un très beau film, Le ciel tourne, dans lequel la réalisatrice, Mercedes Álvarez, revient dans le village qui l'a vue naître, aujourd'hui seulement peuplé de 14 habitants. Une pérégrination de rencontre en rencontre, dans les lieux mais aussi dans le temps (on y rencontre aussi bien des dinosaures que la guerre en Irak), qui témoigne d'une fuite des choses, comme fuit petit à petit la vue d'un peintre habitué de ces paysages. Caroline Châtelet, qui programme le film, nous donne envie avec certains mots de son avis : une œuvre « aussi patiente que métaphysique », aussi « triviale qu'innervée du sentiment de finitude de l'existence ». Ce n'est pas rien, ce que peut faire un film documentaire.
Bons films !
* C'est une très jolie chanson de Pain-noir : La Retenue
Les éditos passés





