Résumé
À Aldealseñor, sur les collines de Soria en Espagne, il ne reste plus que quatorze habitant·es. La cinéaste a été le dernier enfant né dans ce village où les dinosaures ont marché, les Celtibères bâti des fermes, les Romains des villas, les Sarrasins un château avec une tour. Les dernier·es habitant·es savent toutes les histoires et racontent toutes les légendes. Peu à peu, le présent envahit le paysage : le château sera un hôtel de luxe, la ligne de crête se hérisse d’éoliennes, la radio relaie les nouvelles de la guerre en Irak, une campagne électorale est en cours. La prochaine étape est-elle un voyage sur la planète Mars ? Le peintre qui perd lentement la vue commence un nouveau tableau.
L'avis de Tënk
Revenant sur les terres de l'enfance – celle qu'elle a passée dans ce village de Castille –, Mercedes Álvarez filme les lieux comme les rares habitant·es (âgé·es) qui y sont resté·es. Du cimetière au château, du centre du bourg à la colline avec son arbre esseulé, l'on pérégrine autant dans les espaces que dans les périodes historiques. Qu'il s'agisse des souvenirs de la cinéaste, de ceux des personnes croisées – qui avec une simplicité incroyable mêlent anecdotes (parfois cocasses) et réflexions sur le sens de la vie –, ou du travail de Pello Azketa venant régulièrement peindre ici, c'est une image magnifiquement sensible d'un territoire qui se déploie. Au fil d'une année et des saisons, le film tresse continuité, scansion par de menus événements de la vie quotidienne et surgissement du monde contemporain. Ce faisant, l'on accède par cette œuvre aussi patiente que métaphysique, triviale qu'innervée du sentiment de finitude de l'existence, à un portrait entendu comme sédimentation (de temps, d'espaces, de vies, etc.).
Caroline Châtelet
journaliste, critique dramatique