
Des Amazones aux Philippines
L'édito de la semaine
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Les Amazones sont des guerrières, archères agiles montant à cheval, figures légendaires qui tiendraient leur origine de véritables cavalières nomades d'Eurasie. Un « gang des Amazones » dans le Vaucluse dans les années 90 ? Ça ressemble à une bonne vieille formule journalistique. Et c'en est bien une ! Elle désigne une histoire qui agita la presse et les ragots carpentrassiens : sept braquages effectués par une bande de femmes parfois déguisées en hommes. Sept braquages pour remplir le frigo et rembourser des trop-perçus, « tout bêtement ». C'est ce que nous raconte Que personne ne bouge ! de Sólveig Anspach. Quelques unes des braqueuses (et un complice) reviennent sur leurs actes – exploits ou méfaits, c'est selon. Et si cela nous est narré avec un vrai plaisir de montage et d'action, c'est aussi et surtout un film qui nous parle de cette solution extrême qu'ont trouvée ces femmes, pour la plupart mères célibataires. Une histoire d'amitiés, de regrets, de justice juste, de pauvreté et de désobéissance. Une histoire de guerrières à leur manière, aux armes non chargées.
On connaît Sólveig Anspach pour ses fictions tendres et graves, drames et comédies, Haut les cœurs, Lulu femme nue, L’Effet aquatique... Ses documentaires les ont pour beaucoup précédées. C'est en 1992 qu'elle réalisa Sandrine à Paris, le deuxième film du Fragment d'une œuvre que nous lui consacrons. C'est là le portrait de Sandrine, donc. À Paris. Et c'est encore une histoire de reconstruction, après prison, après fugue, après le métier de pickpocket. Elle rejoint les Amazones quand elle dit : « Je préfère voler que vendre mes fesses ». C'est une belle rencontre entre Sólveig et Sandrine, une ode à la liberté, à la jeunesse et à la vie, le portrait solaire d'une femme forte !
Faut-il être forte pour endurer la vie de domestique ! Julien Brygo nous emmène à Hong-Kong et Manille dans Profession, domestique. Aux Philippines d'abord, où, comme l'écrit notre programmateur Corentin Charpentier, fleurissent de nombreuses écoles « qui apprennent à des milliers de jeunes filles à repasser, cuisiner, nettoyer, mais surtout à avoir un état d’esprit docile, bref à devenir de parfaites servantes ». Elles sont alors envoyées par dizaines de milliers à travers le monde pour servir leurs employeurs, souvent sans domicile personnel et pour des salaires très bas. Julien Brygo réalise là un film photographique frappant, adaptation d'un enquête réalisée pour Le Monde diplomatique. Un film dans lequel on reste coi devant la violence de la parole des employeurs. « Un portrait de l’esclavage moderne ».
Point vocabulaire : un Jeepney est un véhicule de transport collectif très répandu aux Philippines, initialement adapté des anciennes jeeps de l'armée américaine. Dans Perfumed Nightmare, donc, le héros est conducteur de Jeepney. Il rêve d'Occident et de devenir astronaute. Et au volant de son véhicule, il parviendra à aller jusqu'à Paris, avec l'aide d'un États-unien ! Perfumed Nightmare est une fiction, oui, dans laquelle ce conducteur est comme l'alter ego du réalisateur, Kidlat Tahimik. Et cette folle aventure, drôle et poétique, devient un voyage initiatique : l'occasion de renverser le geste ethnographique et les regards coloniaux. L'occasion aussi de découvrir le cinéma libre de Kidlat Tahimik, important et influent représentant du cinéma philippin de la fin du 20e siècle.
Et comment le cinéma d'un pays témoigne-t-il de son passé ou de son présent colonial ? C'est la question centrale de Fantômes d’un Empire, une « impressionnante et passionnante somme », selon Olivier Barlet : cent ans de cinéma portugais scruté – que ce soit l'officiel, celui de l'Empire, ou celui du cinéma indépendant plus récent. Des cinéastes d'aujourd'hui explorent cette histoire, révèlent la construction des mythes, ce que fut la propagande, et tout ce qu'il reste à déconstruire...
Bons films !
Les éditos passés




