Cannes, la rue et le placard hollywoodien

Cannes, la rue et le placard hollywoodien

L'édito de la semaine

Tous les vendredis, nos programmations sont accompagnées d'un édito qui vous présente les films de la semaine. Vous pouvez le recevoir par mél en vous inscrivant à la newsletter, mais aussi retrouver toutes les archives ici !

Recevoir l'édito par mail

« Tout le monde cherche de l'amour, du réconfort. Et… je ne sais pas par où commencer avec ça. »

Bart dort devant une banque. Il est ami avec Joe. Tous les deux s'accrochent l'un à l'autre, et à ce qu'ils trouvent pour rester en vie. Dans Dormir, dormir dans les pierres, Alexe Poukine interroge l'histoire de son oncle, mort dans la rue. Elle écoute Bart et Joe et aussi ses proches. Ceux-ci n'ont pas reconnu Alain à la morgue : « Pour moi, ce n'était pas mon frère, c'était un clochard que l'on avait trouvé dans la rue ». La transformation des corps, les addictions, la perte des repères et des attaches… Le premier film d'Alexe Poukine dit tout cela, sans jugement. Avec surtout la même qualité d'écoute et l'humanité que l'on retrouve dans ses films suivants (Sans Frapper, Sauve qui peut). Son premier long métrage de fiction Kika est sélectionné cette année à la Semaine de la critique. 

Nous vous proposons cette semaine des films en écho au festival de Cannes, dont - cela ne vous aura pas échappé - la 78e édition a débuté ce mardi dans la fameuse station balnéaire du Sud de la France.

De film en film, Kleber Mendoça Filho filme Recife, station balnéaire du Nordeste brésilien. Après, Les Bruits de Recife et Aquarius (en compétition à Cannes en 2016), Portraits fantômes - en sélection officielle en 2023 - est une déclaration d'amour à cette ville où vit toujours le cinéaste. De l'appartement familial transformé en studio de tournage aux salles de cinéma qui le hantent, ne ratez pas cette magnifique réflexion à la première personne sur le temps qui passe et sur l'urbanisme, sur la mémoire et le cinéma. Et s'il faut encore vous donner envie : ce n'est pas tous les jours que l'on peut voir l'homme invisible sur Tënk !

En mai 2022, Maria Schneider, 1983 est sélectionné sur la Croisette, dans ce qui s'appelait encore La Quinzaine des réalisateurs. « Comme partout, ce sont les hommes qui ont le pouvoir au cinéma. » déclarait l'actrice dans un entretien à la télé française. Il faut voir ces trois comédiennes, dont l'incroyable Aïssa Maïga, s'emparer chacune à leur façon des mots de celle qui fût jetée à 19 ans en pâture à Marlon Brando dans Le dernier Tango à Paris. Le court métrage d'Elisabeth Subrin est un film post-Me Too, de libération de la parole. C'est surtout un grand film pour écouter ce que les femmes ont à dire sur le cinéma, qu'elles soient jeunes, trans, racisées... En 2023, la section du festival devient la Quinzaine des cinéastes. Les choses auraient-elles changées ?

Et pour compléter notre sélection cannoise, retrouvez en location Ernest Cole, photographe, le dernier film de Raoul Peck. Pour cette biographie de l'artiste sud-africain exilé, le cinéaste haitien (à qui nous consacrons actuellement un Fragment), a obtenu l'Œil d'or du meilleur documentaire l'an dernier.

Enfin, on ne quitte pas le cinéma : direction Hollywood ! À travers un montage d'extraits d'un siècle de cinéma états-unien, The Celluloid Closet nous présente comment les cinéastes ont fait preuve de créativité et d'invention pour parler d'homosexualité et contourner la censure. Son programmateur, Federico Rossin écrit : « Avec l'introduction du code Hays en 1931, puis l'interdiction de mentionner ou de montrer explicitement la « perversion sexuelle », le sous-texte est devenu un art.[…] Rob Epstein et Jeffrey Friedman ne se contentent pas de nous montrer cette longue histoire de censure et détournements, mais ils nous encouragent à lire entre les lignes des films que nous pensions connaître pour découvrir des refoulés et des sous-textes liés à l'homosexualité. Un véritable chemin de croix cinéphile mais aussi un sacré parcours d'émancipation ! »

Bons films !