
Tarnac, Harlem
L'édito de la semaine
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« La liberté d'opinion est caractéristique des démocraties libérales. Elle n'existe pas dans les États totalitaires qui la nient à un degré plus ou moins accentué » écrit Wikipedia, qui n'est ni de gauche ni de droite. Dans les démocraties libérales (comme, par exemple, la France) chaque personne a droit à la parole et sa parole sera respectée, écoutée, discutée, contredite. À moins, bien entendu, que cette personne soit terroriste ou fasse l'apologie du terrorisme.
Proposition 1 : étant donné que la liberté d'opinion s'exerce, tout le monde, même les irresponsables, est libre d'utiliser le terme « terroriste » comme bon lui semble. Proposition 2 : certaines démocraties libérales mettent à leur tête, par on ne sait quel tour démocratique, des irresponsables. Donc : dans les démocraties libérales (comme, par exemple, la France), il y a des terroristes qui font fuir des bassines. D'autres qui campent dans les arbres. Il y en a qui soutiennent le peuple palestinien. Il y en a qui vivent à la campagne et qui, pour les plus extrémistes, ne disposent même pas de téléphone portable.
Manon vit à la campagne. Elle a été inculpée dans le procès de l'affaire de Tarnac avec ses complices de « l'ultragauche, mouvance anarcho-autonome », pour reprendre les termes diffusés dans les médias à l'époque. Une histoire qui a commencé en 2008 avec des écoutes, des surveillances, une descente de police dans une épicerie, puis du barouf, des Une de journaux, et une longue, très longue procédure. Relaxe raconte le moment où Manon prépare sa défense, entourée de ses amies. La réalisatrice Audrey Ginestet plonge dans le quotidien de cette femme dont la vie aura été bouleversée, comme celle de ses huit co-inculpés, par une enquête s'immisçant dans son intimité. Intime, le film l'est : il raconte des histoires de solidarité et d'amitié et défait avec calme (et rage) la fiction policière et judiciaire qu'aura été cette affaire. Qui se termina, on le rappelle, par une relaxe générale.
Deux films de parole, ensuite. Celle des oiseaux, et celle de Jacques Derrida.
D'ailleurs, Derrida laisse la place aux mots de Jacques Derrida dans quatre pays : l’Algérie, l’Espagne, la France et les États-Unis. Il parle d'écriture, de pardon, d'hospitalité, en faisant résonner sa pensée avec les lieux de sa vie, et notamment de son pays natal, l'Algérie. Fabien David, qui programme le film, remarque que le philosophe fut rare au cinéma. Méfiant peut-être vis à vis de cette forme de discours, il ne se livre que de plus ou moins bonne grâce au jeu de la mise en scène : « La silhouette spectrale de Derrida, le regard de sphinx qu’il adresse parfois à la caméra semblent être, en effet, une réaction au défi que Safaa Fathy lui lance : accorder sa présence, sa pensée, sa parole aux enjeux, aux exigences d’un tournage »...
Que racontent les oiseaux, eux ? C'est la question que se posent Jean et Mana dans 7h15 – Merle noir. Une déambulation dans la forêt en quête de traduction : on enregistre, on écoute, on tente de noter, et même de parler le langage des oiseaux. Pour mieux vivre avec ces autres espèces, en accord avec elles, sûrement. Mais, dans ce beau court métrage poétique, Mana constate pourtant : « C’est folie que de vouloir transcrire la musique des grives » !
Connaissez-vous Khalik Allah ? Nous vous proposons un Fragment d'une œuvre de ce réalisateur et photographe états-unien, qui vient de terminer une tournée en Europe organisée par le festival Kodex.
Trois films qui vous plongent dans un style unique, qualifié de « Street Opera » : une manière de foncer tête et objectif baissés à la rencontre des autres. En pellicule, en numérique, mêlant les types d'images et toujours, toujours ouvert à l'écoute des voix qui lui parviennent. Cela se passe, pour deux des films que nous vous proposons, au coin de la 125e rue et de Lexington Avenue, à Harlem, New York. Field Niggas : « un tunnel d’histoires, de gueules, de tranches de vies » pour Swen de Pauw, directeur artistique du festival Kodex. Et ces vies ne sont pas des plus faciles : la pauvreté et la drogue sont là et Khalik Allah ne se contente pas du constat : il interagit, va au plus près, « demande conseils, paroles de sagesse, interroge les points de vue complexes et profonds, invoque la spiritualité ». Spiritualité très présente également dans Black Mother, son film suivant : un voyage – « véritable trip visuel » – vers un territoire plus lointain qu'Harlem, mais pourtant connu : la Jamaïque, où se trouvent ses racines maternelles.
Dans son dernier film, IWOW: I Walk on Water, Khalik Allah revient au même corner new yorkais. Mais ce long métrage pousse encore plus loin la rencontre, notamment avec Frenchie, un sans-abri haïtien. C'est aussi un film dans lequel Khalik Allah se révèle et se raconte « dans toute sa complexité : ses archives, sa vie privée, ses proches, son travail. Il montre sa joie de vivre, sa générosité, sa curiosité, son ouverture, mais aussi sa vie d’artiste, ses failles, sa souffrance, ses psychoses, son mauvais caractère, sa bêtise »... Bonne découverte, et bon trip !
Et bons films !
Les éditos passés





