
Raoul Peck
L'édito de la semaine
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On peut manger la fleur du poireau perpétuel. On peut manger ses feuilles, on peut manger son bulbe, on peut l'appeler « Ail éléphant ». Ou « Ail à grosse tête ». Le poireau perpétuel est subtil et doux. Le Poireau perpétuel est un film de Zoé Chantre. Voilà un film intime dans lequel la réalisatrice explore son quotidien fait de beaucoup de petites choses qui font la vie : grenouille, fourmi, poussin, tumeur, cancer ou scoliose. Elle y parle avec sa mère malade, elle y interroge son désir d'enfant et sa colonne vertébrale en inventant sans cesse une forme ludique, astucieuse, « bricolée » – Zoé Chantre est plasticienne. Un film réjouissant et sensible qui, selon les mots de notre programmatrice Caroline Châtelet, fait « une chronique aussi intime que généreuse sur la peur de la mort et le désir de vivre »...
Autre intimité : celle de Vikken, artiste et DJ. Et à travers son portrait, « une critique en règle des violences faites aux personnes transgenres : rigidité administrative, psychiatrisation, assignations, etc. ». Vikken performe, entouré de Drag Kings, et sa voix nous accompagne. Une voix qui, racontant son parcours, se transforme elle-même au fil de sa prise d'hormones sur une durée de cinq ans. Vikken est un dialogue intime, un rappel de la brutalité de notre société ultra-normative mais aussi un adieu à la voix d'avant...
Cette année, Raoul Peck était l'invité d'honneur du festival Visions du Réel à Nyon. À cette occasion, voici trois films du réalisateur haïtien engagé, à l'œuvre gigantesque, et qui fut même un temps ministre de la culture de la République d'Haïti !
Il est toujours passionannt de découvrir les œuvres de jeunesse des cinéastes. Et c'est avec un grand plaisir que nous vous proposons un court métrage d'étudiant de Peck, réalisé alors qu'il était à l'Académie du film et de la télévision de Berlin en 1982 : Leugt – sous-titré Menteries. On y parle donc de mensonges, et particulièrement de ceux qu'on entend dans les discours des personnalités politiques. Ici, Ronald Reagan, en visite à Berlin, qui assure, oui, que les États-Unis sont loin de vouloir influencer le monde. On y parle de la torsion du langage, vous savez ? Quand les mots sont jolis mais ne veulent plus rien dire ? Quand ils « communiquent » sans sens. Ils sont partout, ces mots, aujourd'hui.
Les États-Unis, en fait, veulent bien un petit peu avoir une influence sur le monde. Par exemple par l'aide humanitaire. Assistance mortelle est une charge contre la façon dont la fameuse « communauté internationale » s'est mobilisée pour Haïti en 2010 lors du terrible tremblement de terre qui ravagea le pays. Raoul Peck ne mâche pas ses mots : « La dictature de l’aide est violente, arbitraire, aveugle, imbue d’elle-même, un monstre paternaliste qui balaie tout sur son passage ! ». Olivier Barlet écrit : « L'Aide ne fait confiance ni aux institutions haïtiennes ni à la capacité du peuple à se débrouiller si on lui distribuait ce que coûtent les kits de maisons inadaptées, importés à grands frais. Elle entretient le cliché de l’incapacité locale pour mieux masquer son échec. C’est ainsi le rapport humanitaire et plus largement le rapport à l’Autre que ce film-coup de poing remet en cause ».
Et enfin, un film qui revient sur l'Histoire un peu plus ancienne : 1961, Patrice Lumumba, premier leader du Congo indépendant, est arrêté, torturé et assassiné. Un an plus tard, le petit Raoul, huit ans, quitte Haïti pour s'installer au Congo avec sa famille. De cette mémoire d'enfance, le réalisateur fait trente ans après une enquête : Lumumba, la mort du prophète. Quels « trous noirs de l'Histoire » reste-t-il ? Quelle place Lumumba garde-t-il dans l'imaginaire du pays, ou plus largement africain ? En quoi est-il encore présent ? Et comment garde-t-on aujourd'hui son exigence de liberté ? Une enquête mais aussi, pour notre programmateur, un « film-poème », intime et historique, qui repose magnifiquement toutes ces questions.
Bons films !
Les éditos passés





