
Naomi Kawase, la révolution, le jet-ski
L'édito de la semaine
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Si tu aimes ton entreprise / Il est grand temps que tu le dises / Si ton patron est ton ami / Tu dois faire la fête avec lui / Alors laisse tomber ta cravate / Aujourd'hui tout le monde s'éclate / Oh oh oh J'aime ma boîte / Oh oh oh J'aime ma boîte (ad lib.)
Ce sont les paroles du Gospel de Frank Tapiro. On vous laissera chercher, si vraiment ça vous intéresse. Il fait partie du kit de communication de l'événement J'aime ma boîte. On vous laissera chercher aussi le clip de l'entreprise Gifi publié à cette occasion il y a quelques années. Avec Manolo des Gipsy Kings. Si ça vous intéresse. Sinon, regardez plutôt Des idées de génie. C'est un drôle de film : Brice Gravelle, le réalisateur, est littéralement embarqué par Philippe Ginestet, patron milliardaire de Gifi, dont les méthodes de management jouent sur l'affectif, le bonheur dans l'entreprise, le culte de la personnalité et les séminaires à base de ski, de poker et de chansons gênantes. Tout cela est filmé au plus près, depuis le yacht, depuis le chalet à Megève, depuis le jet-ski. Mais Brice Gravelle, cinéaste embarqué, s'applique tant bien que mal à garder la tête froide. Et à dépasser la mise en scène du monsieur pour fouiller derrière le décor. Et derrière le décor il y a des milliers d'employés qui ne sont pas tous en train de chanter la gloire du patron.
Nous vous proposons cette semaine un Fragment d'une œuvre consacré à la grande cinéaste japonaise Naomi Kawase, connue notamment pour ses fictions – Suzaku, La Forêt de Mogari, Les Délices de Tokyo, Vers la lumière, Still the Water – qui furent plusieurs fois sélectionnées et primées à Cannes et ailleurs. Pour explorer le pan documentaire de son œuvre, voici trois films programmés en partenariat avec l'association Sans Canal Fixe, qui à Tours organisait cette semaine une belle rétrospective de la cinéaste intitulée Histoire d’une toute petite famille.
Ce sont trois films autobiographiques qui tracent un fil intime dans la vie de Naomi Kawase. Ce fil commence avec Naissance et maternité, en 2006. Naomi Kawase y filme la naissance de son fils Mitsuki en 2004, accompagnée dans son accouchement par la femme qui l'a élevée – Kawase a été abandonnée très tôt par ses parents. Ce sont trois âges qui se côtoient et se touchent, dans un film qui laisse beaucoup de place à des images assez crues de chair et de nudité. Une réflexion sur le cycle de la vie, avec ses peaux jeunes ou vieilles, ou tout juste naissantes.
Naomi Kawase continue à observer sa toute petite famille dans Trace : quand sa mère adoptive atteint les 95 ans et qu'elle s'approche de la mort. Dans la continuité de ses autres films, la cinéaste touche là au plus intime, celui d'un adieu. « À voir comme un ultime hommage à sa mère nourricière, mais aussi comme une réflexion sensible sur l’amour filial et le sens de toute vie » écrit Emmanuel Rousseau, de Sans Canal Fixe.
Enfin, Amami est un voyage avec son fils, Mitsuki. Celui-là même que nous avons vu naître dans un film précédent. Amami, c'est un archipel au large, en mer de Chine Orientale, au Sud-Ouest du Japon. C'est de là que vient la famille de Naomi Kawase. Le film revient donc aux sources, avec le petit enfant de 4 ans. Et c'est comme un aboutissement, peut-être, l'épilogue d'une quête familiale développée dans plusieurs de ses films depuis les années 90. Des liens sont renoués. L'abandon de ses parents : apaisé. Des origines retrouvées.
Il y a dix ans tout pile, en octobre 2014, la population du Burkina Faso, remarquant que son président Blaise Compaoré prévoyait de s'accorder le droit de se présenter pour un cinquième mandat après 27 ans de pouvoir, se permit de marquer son désaccord en descendant dans la rue, en se soulevant, en défilant, en prenant d'assaut des bâtiments gouvernementaux, et aussi les plateaux de la télévision nationale. Partant d'une image de ce plateau, Jeanne Delafosse et Camille Plagnet retournent à Ouagadougou plusieurs années après et se demandent qui sont ces gens qui font les révolutions. À bas ! est une enquête dans la ville, à la recherche de ces gens-là. Qui sont « ces anonymes qui osent braver les fusils du pouvoir et s’affichent triomphants dans cette photo ? » demande notre programmateur Olivier Barlet. Que deviennent les illusions ? C'est quoi un lendemain de révolution ? « Il n’y a pas de combat perdu ? C’est la peur qui est vaincue, même si la liberté reste un combat qui n’a pas de fin ».
Autre lutte, longue, longue lutte au destin singulier et à la fin inédite : celle du pays basque. Nous terminons cette semaine avec L'Hypothèse démocratique, impressionnante histoire du combat de l'ETA non seulement à travers les décennies mais surtout à travers son aboutissement. L'abandon unilatéral de la lutte armée, ce n'est pas tous les jours que ça arrive. Et c'est cette étrangeté que le film observe et questionne avec l'aide des protagonistes. Le choix de la paix a été fait. Et c'est rarement la voie la plus simple.
Bons films !
Les éditos passés





