
Les états généraux du film documentaire de Lussas
L'édito de la semaine
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- En terme de vie, j'ai mieux digérè la mort que toi, mon pote !
- ah ouais ?
- Ouais. *
Fantazio chante, Fantazio déclame, il joue de la contrebasse, et puis un jour il fait un film avec Frédéric Mainçon : Je reviens dans cinq minutes. L'artiste est en tête à tête avec son père, Ivan Denys, vieil homme et ancien résistant. Et comme le remarque avec perspicacité Caroline Châtelet, qui programme le film : « un jour ou l'autre, les pères meurent ». « D'ici là, comment vivre l'instant présent, que faire pour dire son amour inconditionnel, réparer les manqués, sauver encore quelques moments ? » continue-t-elle. Voilà que Fantazio se met en quête des mots de son père. Voilà qu'il tente de dépasser la pudeur accumulée par couches année après année. Et qu'il y parvient, un peu. Les pères et les fils, il faudrait tous qu'ils fassent des films, ça leur ferait du bien.
Notre semaine est consacrée aux films de l'édition 2023 des États généraux du film documentaire de Lussas, qui s'ouvrent ce dimanche – festival d'autant plus partenaire de Tënk qu'il se déroule dans le village ardéchois où nous avons nos bureaux.
L'an dernier, dans la section Expériences du regard (des films produits ou co-produits dans les pays francophones européens durant l’année en cours), on pouvait trouver Fantazio, mais on pouvait aussi trouver des cailloux. Ceux de Le pietre non volano, de Nikita Merlini, qui est une sorte de conte dans lequel des pierres pourraient éventuellement voler. « Les pierres ne volent pas, c’est bien connu », note encore avec acuité notre même programmatrice. Mais c'est un court métrage dans lequel des miracles adviennent : sous les yeux, grâce aux yeux, par les yeux et les oreilles d'une jeune fille, Francesca, qui arpente et observe son paysage. Une montagne minérale, une montagne de caillasses que l'imaginaire sait peut-être faire revenir à la vie, en toute beauté.
Claire Second aime les choses vivantes qui poussent dans ce monde. Après son court métrage L'Algue et le champignon (disponible en location), qui parlait du lichen avec beaucoup de poésie, voici le quinoa, dans Mascarades. Mais au-delà de la folle beauté de ces plantes qu'on ne connaît souvent qu'en vrac à la biocoop, c'est ici leurs conditions de production sur les hauts plateaux boliviens qui sont au centre du film. Mascarades, ce sont les masques et costumes que les paysans portent lors de cérémonies. Mais c'est aussi le jeu de dupe qui se joue entre ces paysans et les représentants de l'agro-industrie sans cesse revenant à la charge à coups de cadeaux et de promesses de rendements, pour que leurs produits soient utilisés. Mais on ne la leur fait pas, à ces paysans-là ! Découvrez comment la résistance peut aussi se faire avec humour et pieds de nez !
4801 nuits est un film qui fut accompagné en production par Tënk et le Département de l'Ardèche. Laurence Michel y raconte son addiction à l'alcool. Comment elle y plongea, comment elle en sortit. Les nuits de combat nous sont ici racontées par un petit théâtre d'objets, de souvenirs mis en scène. Pudeur et autodérision, pour un récit qui fait toute sa place à l'espérance et au courage, contre la fatalité. Et on a fait le calcul : 4801 nuits, ça fait un peu plus de 13 ans...
Enfin, le cinquième film de cette programmation fut projeté en 2023 dans le cadre de la journée Scam, partenaire du festival et de Tënk. Pour réaliser Les Sœurs Pathan, Éléonore Boissinot a tourné sur une période de six ans et a appris l'hindi pour être au plus près des paroles de ses personnages. Deux sœurs qui ne connurent qu'enfants les pogroms contre la minorité musulmane qui eurent lieu en 2002 dans l'État du Gujarat, au Nord-Ouest de l'Inde. Deux adolescentes, puis deux jeunes femmes, prises entre l'autorité de leur père et leur situation sociale, au sein de la communauté musulmane. Intime, collectif et politique se croisent pour dresser ce double portrait, dans le long cheminement vers une possible émancipation, alors que la région reste traversée par d'importantes tensions ethniques... À voir !
Bons films !
* Fantazio - PARIS_ MA TETE aller simmmple.
Les éditos passés





