
Le festival Cinéma du réel
L'édito de la semaine
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Ni Le Pen, ni Macron, à bas la bourgeoisie, à bas les fachos.
On n'a pas mis de guillemets mais c'est une citation tirée d'un film : Camarades. Dans lequel Hadrien, étudiant logeant au Crous à Paris avec son ami Ulysse, révise ses examens, fait bouillir des pâtes et s'énerve contre la petite politique française minable. « Moi je pense qu'il faut descendre, prendre les armes, dire, maintenant on s'en bat les couilles, écoute ton Hanouna, ta télé, ton consumérisme et ton McDo. C'est simple, moi, tu veux continuer à y aller, tu veux continuer à faire de la merde, tu veux continuer avec cette ligne directrice, tu vas continuer comment si je fais sauter tes McDo ? Pouf ! Plus de McDo, ça devient des écoles ! ». Là, on a mis des guillemets. Camarades est réalisé par le pote, Ulysse Sorabella. Un film rempli d'énergie, d'humour et de politique, qui montre une jeunesse française qui malgré tout ne lâche rien !
Le film était l'an dernier dans la section Première fenêtre de Cinéma du réel à Paris. Et, alors que la 47e édition du festival s'ouvrira la semaine prochaine, nous vous proposons sept films passés sur ses écrans en 2024.
Un autre film de pote : Boolean Vivarium. Ici c'est pas le Crous. C'est une résidence de création pour Léo et Nicolas, qui sont en train de mettre au point un jeu vidéo dont le principe – inédit ! – est de voir comment peut pourrir et moisir un appartement. Drôle d'idée qui entraîne de drôles de moments de réflexion entre les deux personnages : comment la lumière du soleil pourra-t-elle déteindre le tissu du fauteuil ? Quel degré d'humidité faut-il pour tâcher la clim ? Surtout : comment la machine et le code pourraient être capables de reproduire un processus par essence organique ? Il y a de quoi se torturer les méninges, se prendre un peu la tête, bien s'amuser et.. s'interroger sur notre propre dégradation...
Eux ne sont pas précisément des « potes » : Hazem et Elettra se sont rencontrés en Belgique. Lui arrivait de Gaza après que sa maison avait été détruite par l'armée israélienne. Après, aussi, un long périple de frontière en frontière. Elle, étudiante en art et en cinéma, revenait d'une période d'étude en Israël. Notre programmatrice Pauline David écrit : « L'amour est une île. Le film The Roller, the Life, the Fight est cette île pour Elettra et Hazem ». Un long métrage « en je(u) et en toi », où l'on se filme de tout, tout près pour mieux se connaître et se rejoindre. Et se soutenir dans l'exil.
Potes ? Oui, encore. Pierre Tonachella les avait filmés dans Jusqu'à ce que le jour se lève (en location), ils reviennent dans Longtemps, ce regard ! « Les amitiés, le quotidien prolétaire, l’errance et les champs plats », c'est ce qui est célébré ici, dans le village même du réalisateur, avec ses amis d'enfance. Où l'on croise les écrits d'Antonio Gramsci et Christophe Tarkos, les poèmes improvisés in situ de Théophile Cherbuin, un apéro, un tas de betteraves, une histoire de tondeuse à passer dans le jardin... Un film tout en poésie complice qui reçut l'an dernier le prix Tënk du court métrage !
Autre prix, pour Sous les feuilles, l'an dernier : celui du « patrimoine culturel immatériel ». Il y est question d'Histoire. Celle d'un paysage en Martinique qui, bouleversé par le passage d'un cyclone, révèle son passé : un cimetière d'esclavisés. Un film dans lequel l'Histoire passe aussi par le paysage et les « alentours » : « les plantes sont porteuses de messages. Elles sont les intercesseuses entre les vivants et les morts, les ancêtres et les invisibles ». Le film reçoit cela, des récits « qui semblent surgir du lieu lui-même » et écrire à leur manière l'histoire coloniale...
Une autre histoire coloniale est explorée dans Resonance Spiral : celle de la Guinée-Bissau. C'est, selon notre programmateur Benoît Hické, un « film-mangrove ». Dans lequel se mêlent la vie d'un lieu culturel – La « Mediateca Onshore » de Malafo –, l'écoute attentive d'archives historiques – un discours du « père » de la nation Amílcar Cabral qui souligne le rôle des femmes dans la lutte décoloniale – et une performance des deux cinéastes-artistes, plongés dans les branchages et l’eau boueuse... Un passionnant et très vivant film-spirale !
Enfin, partons au Nouveau-Mexique, et découvrons, comme le font les touristes, le glorieux passé des essais nucléaires et de l'exploitation de l'uranium ! Ou alors, sinon, prenons un peu de recul avec cette histoire officielle, dans Americium. « Face au récit mille fois raconté d’une Amérique qui a sauvé le monde grâce à l’arme nucléaire, il faut savoir prendre son temps pour décortiquer la légende et désarçonner les héros dans ce décor de western » écrit Julia Pinget. C'est ce que fait Theodora Barat dans son film : mettre à jour, grâce notamment à la parole de femmes qui se mobilisent, un racisme environnemental, un « colonialisme nucléaire » qui a sacrifié des territoires entiers – des soi-disants déserts qui resteraient déserts.
Bons films !
Les éditos passés





