L'herbe est verte

L'herbe est verte

L'édito de la semaine

Tous les vendredis, nos programmations sont accompagnées d'un édito qui vous présente les films de la semaine. Vous pouvez le recevoir par mél en vous inscrivant à la newsletter, mais aussi retrouver toutes les archives ici !

Recevoir l'édito par mail

« Il n'y a plus rien de vert et le bétail va mourir et après lui les femmes, les enfants et les hommes » dit Haidar Khan. Le chef des Bakhtiari le sait : l'herbe est plus verte ailleurs. Elle l'est à des centaines de kilomètres au delà des montagnes. Grass: A Nation's Battle for Life se déroule en 1924 entre la Turquie et la Perse. On y voyage, c'est le moins qu'on puisse dire. D'abord à travers la Turquie, de rencontre en rencontre. Puis aux côtés des Bakhtiari, peuple nomade en quête d'herbe plus verte, donc.

C'est un film exceptionnel. Les cinéastes qui (nous) embarquent dans cette aventure ne le sont pas moins : Marguerite Harrison, autrice voyageuse et ancienne espionne, et le duo Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper, futurs réalisateurs de... King Kong. C'est un film spectaculaire, tourné dans des conditions dantesques : des centaines de kilomètres parcourus à pied ou à dos de bête. Toute une population (près de 50 000 personnes et autant d’animaux) qui passe des cols enneigés à plus de 4 000 mètres. Ou encore – scène mythique qui selon notre programmatrice Pauline David « égale sans peine le gigantisme hollywoodien de Les Dix Commandements (Cecil B. DeMille) » – la traversée d'un fleuve large et tumulteux à bord de radeaux en peau de chèvre ou à la nage... C'est une aventure autant qu'une prouesse technique. Tout un voyage pour atteindre une terre promise, c'est-à-dire un endroit où l'on peut enfin brouter à nouveau de l'herbe verte.

On peut aussi brouter à Madrid. Todos los sonidos entran adentro n'est pas une épopée : « Vous entrez dans un endroit à part, où les éléments du décor apparaissent de manière fantomatique » écrit Julia Pinget. C'est un film en suspens, une contemplation. Bergers, bergères, moutons et chiens déambulent et vaquent à leurs occupations dans leur campagne. Et le temps d'un court métrage on se laisse aller à ce rythme, on suit « les plis de l'herbe », sur un ton presque fantastique. Peut-être que cette campagne est étrange parce qu'apparemment, elle est en ville.


Connaissance zoologique et culinaire : le piangua est une espèce de mollusque à coquille noire qui se cuisine en ragoût ou en ceviche. Dans Dulce, la cueillette de ce mollusque est l'activité principale de Betty, qui vit dans la mangrove sur la côte pacifique de Colombie. Tout au bord de l'océan, donc – sa maison est sur pilotis. Un endroit où il vaut mieux savoir nager. Parce que la mer monte et puis, aussi, on est vite tombés d'un bateau. Dulce, c'est la fille de Betty. Et elle rechigne à apprendre à nager. Dulce, c'est un court métrage doux, une histoire de transmission de mère à fille : il faut apprendre à faire avec le monde qui les entoure. Pour mieux nager dedans.


Il y a pas mal de mots dans À vendredi Robinson. Il y en a beaucoup de poétiques et de philosophiques. Il faut dire que les personnes qui se parlent sont, d'un côté, Ebrahim Golestan, figure majeure du cinéma iranien, de l'autre Jean-Luc Godard, figure majeure du canton de Vaud. C'est une correspondance entre ces deux messieurs. Charlène Dinhut décrit « un ping-pong de citations, d’échos, d’images et d’exégèses, de plans volés au quotidien de ces "dieux" aussi mythiques qu’humains et âgés ». Deux nonagénaires qui jouent au jeu proposé par la réalisatrice Mitra Farahani. « Je ne vois toujours pas où il veut en venir, dit Golestan recevant un mail de Godard. J'ai l'impression qu'il veut y placer un sens. Ce n'est pas la même chose que d'y trouver un sens. Il veut que je découvre un sens caché là-dedans. Or le sens n'y est pas. C'est lui qui l'a placé là pour que je le trouve. Il y met un sens quelconque et il veut que je le trouve. C'est à moi de trouver ce qu'il veut. »

Puis, recevant un selfie de Godard : « Il a perdu ses cheveux, le pauvre. C'est quoi cette tête ? »

Bons films !