
Gigi, Schweppes, Bollywood
L'édito de la semaine
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On est entre nous, on fait la fête, on secoue la tête et les fesses sur de la musique swing. On boit Schweppes et Martini, on bavarde avec légèreté, on est en 1964 – la deuxième guerre mondiale n'est pas très loin, celle du Viêt Nam est en cours. Dans Good Times, Wonderful Times, Lionel Rogosin met en scène une soirée mondaine à Londres – il en a choisi les protagonistes : « ils devaient "bien présenter" et avoir les idées dont j’avais besoin, ces clichés sur la guerre qu’on trouve dans la société d’aujourd’hui ». Parmi eux, l'artiste Molly Parkin provoque les discussions. Good Times, Wonderful Times est un film de collisions frontales. Parce qu'à l'insouciance des conversations (tantôt sur les poils aux jambes, tantôt sur la bombe nucléaire) se confrontent des images d'archives du 20e siècle : violentes. « Qui dit vie dit guerre. Sans guerre, pas de vie » entend-on. Et bien d'autres choses encore. Voilà un extraordinaire pamphlet contre la guerre, mais aussi contre l'inconscience complice. On boit Schweppes et Martini, on bavarde avec légèreté, on est en 2025. « Hé bien soit on laisse faire soit on lutte contre » dit un homme.
Bonne année, au fait.
Et enchaînons avec une phrase bien contemporaine : « Les violences qui existent n'existent pas ». On en trouve tellement des comme ça, dans la bouche des gens qui parlent dans les écrans, les palais, les ministères. Les violences qui existent n'existent pas est un ciné-tract tiré du livre Macronique, Les choses qui n'existent pas existent quand même d'Émilie Notéris*, qui aborde la torsion du vocabulaire par le pouvoir en France. Il « démêle l’absurdité du discours politique lors de la période 2019-2020, en contradiction avec ce qu’on a vécu dans nos corps, les violences policières, les violences sexistes » écrit notre nouveau programmateur Corentin Charpentier. La police ne peut pas être violente parce que les violences policières n'existent pas. Par exemple. Édifiant.
C'est entre le boulevard de la Villette et le Canal Saint-Martin, à Paris, pas loin de l'hôpital Saint-Louis. Il y a au 209 de la rue Saint-Maur un immeuble que la réalisatrice Ruth Zylberman a choisi au hasard pour en faire l'histoire. C'est dans Les Enfants du 209, rue Saint-Maur, Paris Xe. Et c'est une véritable enquête, menée sur plusieurs années, pour retrouver la trace des personnes ayant occupé les lieux pendant l'Occupation. La cinéaste a retrouvé les survivants à Paris, en banlieue, en province, dans le monde entier. Elle les a filmés, ainsi que les pierres et les habitants de l’immeuble aujourd’hui. Et pour Fabien David, qui programme ce film, c'est un miracle : celui de faire ressurgir des histoires oubliées et de peupler le présent d'émotions. « Que peut le cinéma ? écrit-il. À cette question sans cesse relancée, le film de Ruth Zylberman apporte une réponse – et pour ma part une certitude : le cinéma est grand ».
Gigi, c'est une jeune femme, et c'est un très doux court métrage d'animation qui raconte à la première personne un parcours de transition, « de la petite sirène tourmentée à la femme épanouie qu’elle est aujourd’hui ». Tout en nuances de bleu, de vert et de jaune, Cynthia Calvi représente Gigi en figure aquatique, « une femme à écailles, à branchies, une femme-sirène », qui chemine et trouve progressivement sa place. Un film d'une grande tendresse, drôle et sensible, ou, comme l'écrit Loane Bouillet : « une histoire racontée du bout des lèvres, que l’on entend très bien du bout du cœur ».
Vous trouverez dans notre programmation de la semaine deux autres étonnants portraits. L'un, d'une superstar, et même carrément The Real Superstar. C'est Amitabh Bachchan, immense vedette du cinéma de Bollywood, adulé par des générations d'Indiens, ici présenté par un montage virtuose (et drôle) d’extraits des films dont il incarne le héros. Avec plus de 200 films à son actif, c'est une véritable épopée bollywoodienne ! Et dans Le Jardin des Hespérides, c'est Robert. Lui, cela fait 40 ans qu'il tente de faire reconnaître un tableau qu’il attribue à Nicolas Poussin. En retraçant sa quête, Elliott Mattiussi fait le portrait de l'homme et de son obsession pour une toile et tous ses secrets.
Bons films !
* Macronique, Les choses qui n'existent pas existent quand même
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