Fatmé, Noah, Basia, Aïcha, Dziga

Fatmé, Noah, Basia, Aïcha, Dziga

L'édito de la semaine

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« Je veux juste être la plus forte ! » dit Fatmé, 11 ans. Syrienne, exilée au Liban, elle vit sa vie d'enfant, cheveux en bataille, bondissante, pleine d'énergie, elle aime la bagarre et ne colle pas aux normes des petites filles. Sa mère s’interroge : est-elle une fille ou un garçon ? Et notre programmatrice Alizée Mandereau d'écrire : « Ayant probablement "compris l'arnaque derrière le fait d'être une fille", pour paraphraser une amie à moi qui avait choisi d'être un lion, Fatmé a décidé d'être Rambo ». Ce petit Rambo là est filmé avec grande tendresse, et c'est une simple et belle rencontre : Fatmé, un très beau court métrage de Diala Al Hindawi, pour commencer la semaine !

La CinéFabrique est une jeune école de cinéma, basée à Lyon et Marseille, et son credo nous séduit, qui marque son ambition politique : « Ouvrir les métiers du cinéma à une réelle diversité sociale, culturelle, géographique, mais aussi à la diversité des niveaux scolaires, des points de vue, et à la parité femmes-hommes ». Nous vous proposons cette semaine dans notre Première Bobine trois courts métrages issus de cette formation, qui fait d'ailleurs l'actualité en ce moment avec le succès en salle du long métrage Vingt Dieux, de Louise Courvoisier, étudiante de la première promotion.

Dans Je suis de passage, Bénédicte Heili erre dans Sète, ville honnie : « le port, les tielles, Brassens, tout y est ». C'est joli Sète et on devrait l'aimer, comme on devrait aimer sa grand-mère. Pour la réalisatrice, c'est un peu plus compliqué, et ce film est comme une enquête sur cette femme, mère de sa mère, sur le passé familial... Faire un film est parfois un début de réparation, quand quelque chose a blessé quelque part.

Autre passé familial, très impressionnant : celui de Noah Cohen. Dans Last Call, il retrace l'histoire de son père, qui embarqua toute sa famille dans ses tribulations : une cavale, une vraie, de par le monde. C'est que l'homme, qui fit fortune et mena la grande vie (avec villas aux States et autres) grâce au commerce de l'art, fut rapidement rattrapé par 24 chefs d'accusation... D'aéroport en aéroport, de fuite en fuite, on nous raconte là, grâce aux archives familiales, l'histoire d'une chute qui est aussi celle d'une famille toute entière, d'une femme et de deux enfants balottés par un destin extraordinaire... Un film auquel nous avions accordé le Prix Tënk Jeune Création au Fipadoc en 2023 !


Et en 2024, c'est à Basia: Three Short Stories que revint ce prix. Un portrait d'une octogénaire vaillante – plusieurs portraits en un seul, même : une mère, une grand-mère, une sœur et... une actrice ! Le réalisateur, Mateusz Pietrak, filme cette femme avec toutes ses personnalités, parfois tendre, parfois inquiète de la mort qui pourrait être proche, et puis pleine de courage pour se produire sur scène, dans un monologue final marquant...

Une autre histoire de vieillesse, celle-ci entre le Maroc et la Belgique. Dans la maison est une retrouvaille : celle de Karima Saïdi, la réalisatrice, avec sa mère, Aïcha. La mémoire de celle-ci s'en va petit à petit, et la fille entreprend de poser des questions, pour recueillir des morceaux du passé. C'est l'histoire d'une femme qui a élevé seule quatre enfants, qui a divorcé, qui a émigré en Belgique, qui a traversé l'existence avec dureté et force... C'est une vie racontée, qui nous parle d'héritage, d'exil et d'une liberté acquise. Et c'est aussi la relation de ces deux femmes, l'amour d'une fille pour sa mère, et vice-versa.


L'Homme à la caméra a 96 ans, et c'est un immmmmense classique du cinéma. Dziga Vertov y parcourt Odessa, sur la côte de la Mer Noire, en 1929. Il y expérimente tout ce qu'il peut expérimenter pour raconter la vie moderne de cette ville, son énergie, tout son travail, ses machines, son rythme. Oui c'est un film expérimental : la caméra est un outil neuf, on peut en jouer de mille manières. C'est un outil plein de promesses, et notre programmateur Benoît Hické nous rappelle avec quel lyrisme le cinéaste l'envisageait : « (…) Je suis la machine qui vous montre le monde comme elle seule peut le voir. (…) Libérée des frontières du temps et de l’espace, j’organise comme je le souhaite chaque point de l’univers. Ma voie est celle d’une nouvelle conception du monde. Je vous fais découvrir le monde que vous ne connaissez pas ». L'Homme à la caméra nous plonge dans l'enthousiasme pour cette technologie nouvelle. Et dans un véritable spectacle de scènes documentaires, de montage rythmique, de musique (composée « en accord avec les instructions musicales écrites par Dziga Vertov ») et de trucages divers... À voir ou à revoir !

Bons films !