Carte blanche à Ovidie

Carte blanche à Ovidie

L'édito de la semaine

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Saviez-vous que vous pouviez installer à la porte de votre maison une sonnette connectée qui vous permettra non seulement de surveiller votre perron, de voir le faciès de vos visiteurs, de les effrayer s'ils n'ont pas le bon faciès, de transmettre ces images à la police et d'espionner votre voisinage ? Ce dispositif s'appelle « Ring » et c'est un rêve technologique ! C'est la sécurité assurée ! C'est l'avenir, c'est le confort, c'est l'an 2 000 !

La maison qui vous veut du bien est un film qui « réussit à dézipper notre sens critique et accroître nos défenses immunitaires numériques ». Déjà, c'est à notre sens la première fois que nous programmons un film qui dézippe. Et puis comme nous sommes tous collectivement malades de nos abus de connexions, cela peut être un début de médicament. Alors, aussi placebo soit-il, profitons-en avec ce film expérimentalo-ludique, à moitié drôle et à moitié inquiétant (ou aux trois-quart, disons).


Nous invitons cette semaine la réalisatrice et autrice Ovidie à programmer une carte blanche, sobrement intitulée Ovidie programme.

Il y est question de connexion, encore, avec Girl Gang. L'histoire de Leonie, jeune influenceuse de 14 ans qui découvre ce que c'est que d'être poursuivie par des hordes de fans. Qui découvre le métier, pourrait-on dire, guidée, coachée, « gérée » par ses parents. Une poule aux œufs d'or filmée sur la durée par Susanne Regina Meures, avec douceur et compréhension. Ovidie nous raconte qu'elle a vu le film avec sa fille de 16 ans : « quand j’ai vu le malaise sur le visage de ma fille au moment où les lumières de la salle se sont rallumées, je me suis dit que ce film faisait mouche, qu’il provoquait en nous une avalanche d’émotions contradictoires entre fascination, amusement, peur et surtout compassion pour le personnage principal ». À ce jour, 1,5 millions de personnes suivent Leonie sur TikTok.

Ovidie programme ces films, qui ont à voir avec la mise en scène de soi : « Les adolescentes influenceuses ne vendent évidemment pas la même chose que les travailleuses du sexe d’internet. Et pourtant, ces deux activités ont bien plus en commun qu’il n’y paraît. Se mettre en scène, produire un maximum de contenus pour être référencée, maîtriser la magie des algorithmes est une profession à part entière où se côtoient exigence et fatigue ». Télétravail du sexe est réalisé par Carmina et Prune : « un film sur et par les principales concernées, celles que l’on juge trop sottes ou trop aliénées pour produire de la pensée ». En faisant témoigner d'autres travailleuses, elles abordent non seulement le sexe, mais aussi l'envers du décor : empouvoirement, harcèlement, création artistique, impôts, stigma... « Car finalement, ce n’est pas de sexe qu'il est question mais plutôt d’une profession où on passe plus de temps le nez dans les algorithmes et l’auto-branding que nue sur un lit ».

Enfin, soyons punk, avec The Punk Syndrome. Du bruit, de la fureur, avec le plus célèbre groupe punk finlandais, Pertti Kurikan Nimipäivät, qui rassemble quatre individus souffrant de troubles mentaux. Et laissons parler Ovidie : « J’ai découvert cette pépite finlandaise il y a une bonne douzaine d’années, lorsque j’étais membre du jury du Fifigrot (Festival du film grolandais). Je me souviens de délibérations chaotiques, étant la seule personne autour de la table à ne pas être morte-saoule. Je me rappelle qu’il y avait eu débat de poivrots autour de ce qui était punk ou pas, si le punk était réellement mort ou non. Alors que pour moi, Pertti est l’incarnation-même du punk. Il veut abattre ce qui l’opprime, il refuse le narratif de l’autiste soumis aux autorités psy. Il se fiche éperdument de ce qu’on pense de lui. » Un autre type d'influenceur, Pertti !


Avec Retour à Reims, le réalisateur Jean-Gabriel Périot nous entraîne une fois de plus dans l'Histoire. Basé sur le texte éponyme de Didier Eribon, le film nous raconte le monde ouvrier français du début des années 50 jusqu'à aujourd’hui. Par les archives, par des extraits de fiction, par la musique et par la voix d'Adèle Haenel, qui interprète le texte. Des [Fragments] qui abordent l'intime, la famille, la vie quotidienne (« les mariages arrangés, les sorties au bal, le café des hommes, le logement exigu et la double-journée des femmes, l’usine la journée et les taches domestiques le soir » détaille notre programmateur Corentin Charpentier). Et finalement cette question politique très contemporaine, celle du vote ouvrier : « Pourquoi est-il passé d’une attache traditionnelle au Parti Communiste à un vote massif pour l’extrême droite ? ».

Nous vous invitons pour finir à suivre le cinéaste Michel Zongo depuis Koudougou au Burkina Faso jusqu’en Côte d’Ivoire. Une quête intime et familiale sur les traces de son frère, parti il y a longtemps, comme tant de Burkinabés, pour tenter sa chance dans le pays voisin. C'est dans Espoir voyage, comme une sorte de road-movie.

Bons films !