Pouvant vaquer plus ou moins tranquillement à ses occupations sur le plancher des vaches, les humains ont cette tentation d'aller se jucher, un besoin de s'élever, pour défier les dieux ou simplement voir le monde d'un autre point de vue. C'est aussi, sans aucun doute, une tentation du cinéma. "Antigravitation" se situe en ce point de tension, à partir d'un agencement poétique d'images et de sons se gardant bien de discourir. Avec ce brillant traité formaliste et philosophique, Audrius Stonys compose une superbe variation à partir du Songe d'Icare, habitée aussi bien par les compositions constructivistes d'Alexandre Rodchenko (la paysanne grimpant la cheminée de l'usine) que par la fameuse séquence d'ouverture d'Andreï Roublev d'Andreï Tarkovski. Mais ici, pas de chute, plutôt un état de suspension dans un entre-deux.

Arnaud Hée
Programmateur, enseignant et critique