Ils sont muets mais aussi aveugles, s'expriment dans une langue où les signes ne suffisent pas, une langue « touchée » comme le formule l'intitulé de ce remarquable film. La situation fait appel à un imaginaire cinéphile puissant, que Laetitia Mikles n'ignore certainement pas. Elle renvoie à la délicatesse de l'écoute du Pays des sourds de Nicolas Philibert, à la force d'enjeux de cinéma traités sans verser dans la pesanteur théorique d'un Johan van der Keuken (L'Enfant aveugle 1 et 2). Mais la cinéaste suit avant tout une voie singulière. Les élégants et captivants tableaux successifs oscillent entre un théâtre de mains en plans serrés et des interactions dans des cadres plus larges. En nous rendant attentifs, Touchée propose, sinon un retournement, un cheminement sensible : à nous l'énigme d'un monde à décrypter, à nous de faire le pas pour apprendre et comprendre.

Arnaud Hée
Programmateur, enseignant et critique