Je suis du coin de l’œil le travail de Carmina depuis un certain nombre d’années déjà. Je lisais ses prises de parole sur feu Twitter, son partage d’expérience en tant que cam girl d’abord puis, plus largement, en tant que créatrice de contenus pour adultes, sa volonté de produire une pornographie éthique. Nous ne sommes pas toujours d’accord, j’ai sans doute perdu foi en toute forme de pornographie il y a longtemps. Mais l’acharnement de Carmina à rester fidèle à ses convictions force le respect. Aussi, quand j’ai appris qu’elle avait réalisé avec Prune un documentaire sur sa profession, je m’y suis bien sûr intéressée. Car c’est un film sur et par les principales concernées, celles que l’on juge trop sottes ou trop aliénées pour produire de la pensée. Le regard de Carmina et Prune sur les personnes qu’elles filment n’est jamais surplombant car elles-mêmes sont passées par là. C’est un point de vue situé, une vérité de l’intérieur qu’elles partagent avec nous. Car à travers les témoignages qu’elles recueillent, c’est bien d’elles-mêmes finalement qu'il s’agit. Carmina et Prune se racontent par personnages interposés, dans cette multiplicité d’expériences.
Si au début on peut être décontenancé par la profusion d’images érotiques, les témoignages viennent rapidement recouvrir ces corps d’un voile de discours. Carmina et Prune règlent la question sexuelle très vite dès les premières minutes du film pour mieux laisser place ensuite à l’émergence d’une réflexion. Car finalement, ce n’est pas de sexe qu'il est question mais plutôt d’une profession où on passe plus de temps le nez dans les algorithmes et l’auto-branding que nue sur un lit.

Ovidie
Documentariste et réalisatrice de fiction