En regardant ce film-rencontre de 1973 avec les yeux du présent, ce qui ressort le plus est la singularité radicale du dialogue : tant la formation intellectuelle des protagonistes – deux artistes non nationalistes – que leur manière d’aborder une discussion aussi complexe sans gêne ni hypocrisie semblent difficiles à reproduire aujourd’hui. Ce film est tellement loin du climat de notre époque, son humanisme et sa compréhension mutuelle sont tellement émouvants, que cette inactualité flagrante en fait une œuvre d’autant plus nécessaire aujourd’hui. La simplicité apparente de la mise en scène finit par déplacer l’esthétique amateur – une caméra, deux personnes dans une pièce – en direction de la pensée : les images d’Israël, filmées en couleur par Rogosin en 1953, deviennent le lieu d’une projection de l’imaginaire, un territoire utopique pour une cohabitation possible.

Federico Rossin
Historien du cinéma, programmateur indépendant