Résumé
À Gravelines, dans le Nord de la France, au pied de la plus grande centrale nucléaire d’Europe de l’Ouest, l’eau de la mer du Nord est chaude toute l’année : 23°C. Contre toute attente, le poisson prolifère dans ce milieu hyper industriel, faisant ainsi la joie des pêcheurs. Mais l’espace autour de la centrale est considéré comme un terrain militaire et l’accès laissé aux pêcheurs n’est qu’une tolérance tacite entre eux et les autorités locales. Pourtant depuis 40 ans, ici, à la limite des barbelés, sur ces terrains vagues inhospitaliers qu’ils ont fait leurs, ils se sentent chez eux.
L'avis de Tënk
À défaut de nature sauvage dans laquelle l’humain vivrait en harmonie, "Dernière Pêche" nous dépeint les bords d’un monde issu de la sauvagerie industrielle. Un endroit où nul n’est censé vivre. Pourtant, des hommes arpentent ce territoire. Ils ont trouvé là un refuge, un endroit qui ne semble appartenir qu’à eux.
Le film se fait alors le témoin d’une nouvelle écologie où l'Homme, le béton, la mer chaude, vivent dans un équilibre apparent. L’artifice industriel devient la nature. L’horizon urbain devient le "beau" paysage. Et l’on retrouve, à cet endroit, un ersatz originel : pêcher, faire un feu, manger.
Baptiste Janon regarde ce paysage en écologue, avec beaucoup de délicatesse, relevant chacun des éléments de cet espace en marge, qu’ils soient matériels ou vivants. Il observe cet "habiter" antinomique, où l’habitant déclare : "Tu pourrais vivre ici." Et, imparable : "c’est la nature quand même".
L’écologie du regard devient ainsi politique, alors que l’attachement à cet espace est rendu tangible par la parole des pêcheurs. Dans cet espace vacant parce qu’inhabitable, ils ont trouvé un endroit où il devient possible d’être libre et d’accéder à une forme de bonheur.
Julia Pinget
Réalisatrice