Résumé
Un autre sens du mot « tombeau » est « composition poétique, œuvre en l’honneur de quelqu’un ». Chris Marker adresse six lettres à son ami, le cinéaste russe Alexandre Medvedkine, mort en 1989. D’archives en entretiens, de fiction en documentaire, de la Russie à l’URSS, de l’URSS à aujourd’hui, le film est un hommage à la mémoire du « dernier des bolchéviques ». Un remarquable portrait qui retrace conjointement l’Histoire de l’URSS et celle d’un artiste partagé entre idéologie et indépendance. « Peut-on rêver de meilleur fil conducteur que cette vie pour explorer la tragédie de notre siècle ? »
L'avis de Tënk
Au moment d’entreprendre son grand essai sur un siècle de communisme, via la vie de Medvedkine, Marker appose une citation de George Steiner, tout à la fois limpide et intrigante : « Ce n’est pas le passé qui nous domine, mais les images du passé. » Cette phrase pourrait être placée en exergue de la plus grande partie de l’œuvre de Marker, depuis les années 1980 ; la lutte ne se mène pas seulement sur le théâtre des opérations mais aussi - sinon plus - dans l’ordre symbolique et imaginaire. La pédagogie markérienne des images trouvent là sa justification profonde : les cinéastes ne sont pas les plus mal placés pour comprendre les motifs qui gouvernent nos imaginaires collectifs et par là même nos actes les plus quotidiens. Et une grande partie du « Tombeau » est consacrée à cette exploration-explicitation de la puissance symbolique du communisme soviétique et de son cinéma (Eisenstein a mis « en scène l’imaginaire de plusieurs générations », écrivait Marker) !
Arnaud Lambert
Réalisateur