Résumé
À travers la vie de trois personnages : Jules César, le fabricant et joueur de djembé, Bouba, le gérant d’un salon de cinéma de quartier qui sert également de lieu de prière, et Abbo, un écrivain public, Teno expose habilement ses observations riches, complexes et profondes sur de nombreux paradoxes de l’Afrique d’aujourd’hui. L’une des nombreuses contradictions que le réalisateur expose est l’absence de films africains à une époque où les avancées technologiques sont remarquables.
L'avis de Tënk
La sainteté des lieux s’impose dans le quartier St-Léon de Ouagadougou, près de la cathédrale et de la grande mosquée ! Et puis la salle du vidéo-club sert de salle de prière le matin aux travailleurs musulmans du quartier. Sans oublier que regarder un film ensemble tient du sacré, et que l’inspiration elle-même est difficile à rationaliser. Ce documentaire spontané, sans écriture préalable, n’est pas seulement descriptif : la fabrique d’un djembé, certes, mais en saisir la symbolique.
Le public africain sait se débrouiller : la misère économique ne condamne pas forcément à la misère culturelle. Les héros de “Lieux saints” n’ont pas besoin d’ONGs qui leur disent ce qu’il faut faire. Avec eux, en écho à la clarté des questions posées par Jean-Marie Teno, le film prend le rôle du griot et le questionnement se déplace sur le réalisateur : “Qui parle ? Pour dire quoi, à qui ?” En somme, nous dit Teno, ces trois personnages seraient une métaphore du film africain : Jules incarne le son et le savoir-faire, Babou l’image et ses contraintes, Abbo le réalisateur qui écrit et espère qu’on le lise. Au fond, si le ciné-club du quartier St-Léon est un lieu saint, c’est qu’on vient y puiser pour tenir le choc de la vie un peu de poésie et donc un peu de liberté.
Olivier Barlet
Critique de cinéma et rédacteur pour Africultures