Résumé
“Lorsque les premiers missionnaires sont arrivés en Afrique, ils avaient la Bible et nous, la terre. Ils nous ont demandé de prier. Alors, nous avons fermé les yeux pour prier. Quand nous les avons rouverts, la situation s’était inversée. Nous avions la Bible et eux la terre.” Jomo Kenyatta, premier président du Kenya
L'avis de Tënk
Pour aborder la question coloniale, Jean-Marie Teno se fait plus linéaire et pédagogue. La mémoire historique explique la violence, l’injustice, la répression et les traumatismes contemporains. Le film est une commande de la télévision allemande ZDF à l’occasion du centenaire du génocide des Hereros dans l’actuelle Namibie en 1904-1907. Pour comprendre le cheminement des Européens dans leur rapport à l’Afrique, Teno se concentre sur les missionnaires. On aide les gens mais pas à être autonome : la mission s’intègre dans le colonialisme d’État.
Là est pour Teno la source du malentendu colonial : convoquant archives d’époque et interviews, il documente cette alliance entre la volonté missionnaire et le fusil du colon, entre l’éthique chrétienne et les intérêts marchands, débouchant sur la Shoah et l’apartheid. La charité des ONG évite de sortir de la logique coloniale tandis que les Africains sont dépouillés de leur mental. Le constat de Teno est amer. Ce commentaire méditatif qui accompagne tous ses films n’est pas l’étalage d’une thèse mais le partage d’une interrogation, un appel à évoluer, un cri. Il n’est pas pessimiste, il est lucide : cela prendra longtemps.
Olivier Barlet
Critique de cinéma et rédacteur pour Africultures