Résumé
Sur l’un des grands rochers qui brisent le courant du Magdalena, le fleuve le plus important de Colombie, le Mohan boit et fume patiemment son cigare. Ce grand séducteur attend les femmes qui viennent laver leur linge et les invite dans son palais doré tout au fond du fleuve. Quelques unes reviennent enceintes, les autres disparaissent à jamais. Il aime faire fuir les poissons et taquine les pêcheurs en faisant des nœuds dans leurs filets. Parfois il va jusqu’à les noyer. Mais aujourd’hui, en Colombie, le Mohan sort de moins en moins car la peur des vivants remplace celle des esprits. Les paramilitaires sèment la terreur. Même le diable s’est enfui. Et dans ses entrailles le fleuve Magdalena ne charrie désormais plus que des cadavres.
L'avis de Tënk
Il y a dans les films de Nicolàs Rincón Gille quelque-chose d’immédiatement saisissant. Un sens inné de l’image, du cadre, du découpage, une finesse du travail sonore et du montage. Mais surtout une magnifique vibration humaine qui se ressent dans les rapports avec les personnes filmées. Il n’y a pas de parole possible sans écoute.
Dans "Los Abrazos del Rio", deuxième volet de la trilogie "Campo Hablado", le cinéaste belgo-colombien travaille le lien entre paysage et tradition orale et creuse l’étrange combinaison entre les mythes magiques anciens et la violence de la réalité colombienne dévastée par 50 ans de conflits armés.
Parfois, pour appréhender certaines choses proches de sa culture ou de son identité, il faut réussir à devenir juste ce qu’il faut d’étranger à soi-même pour les saisir avec la justesse d’une forme nouvelle. C’est là aussi toute la puissance du cinéma de Nicolàs Rincón Gille.
Son dernier film, "Tantas Almas" est un film au pacte de fiction dont l’histoire s’est imprégnée de la réalité qu’il a arpentée le long du rio Magdalena. Une merveille à découvrir bientôt.
Javier Packer Comyn
Secrétaire général du Centre de l'audiovisuel à Bruxelles - CBA