Résumé
Le temps comme punition : détenus mineurs et pesanteur des corps dans l’espace carcéral.
L'avis de Tënk
Des garçons, adolescents, attendent. Il y a les gestes de l’attente (une bouteille de plastique triturée, mâchouillée pour occuper l’ennui), le silence de l’attente, la posture de l’attente (le dos qui cède, le corps entier qui devient comme liquide). Qu’attendent-ils ? Justement c’est une attente sans objet, ou alors trop lointain. Ils attendent, comme on dit, que le temps passe, mais le temps ne passe pas : il est introuvable. Les garçons sont détenus dans un établissement pénitentiaire pour mineurs, à Hahnöfersand, près de Hambourg. Leur attente vide y est prise dans une vague structure, qui ne redresse rien : il y a l’heure des repas, celle des travaux ménagers imposés, parfois des appels téléphoniques vers le monde extérieur où les proches attendent aussi, parfois encore des colis, ou des lettres, ouvertes et lues d’abord par les matons. Chaque situation retrouve des corps identiquement léthargiques, dévitalisés par cette attente qui n’attend rien, enfermés entre des murs qui sont d’abord ceux d’un temps immobile — un temps qui donne le sentiment, indiqué par le beau titre du film, qu’au bout de deux heures, dix minutes seulement ont passé. Et ce temps littéralement mort les uniformise d’autant plus qu’ils sont sans visage — il était interdit de les filmer. En s’attardant sur les nuques interchangeables, les ombres de visages émergeant des casquettes, les gestes infimes et automatiques, "Nach zwei Stunden…" offre une saisissante phénoménologie de la prison, dévoilée comme impitoyable machine à vider les corps de leur présence.