Cinéaste et paysan, Pierre Creton a transformé son territoire normand en une terre de cinéma. Le Bel Été invente une contre-société utopique en réponse à des problèmes généralement cantonnés aux rivages du documentaire, l’accueil des migrants et le sort que la France, bafouant ses propres lois, réserve aux jeunes mineurs isolés. Le film commence devant un champ fraichement labouré au fond duquel les eaux de la Manche se profilent, avant de dévoiler un homme noir, de dos, face à un champ brumeux. Puis il pose cette question : comment franchir cette frontière impossible que la Jungle de Calais a tracé entre nous ? Inspiré du récit du même titre de Cesare Pavese, le film oppose à cette tragédie un lieu sûr, qui réunit les hommes, les femmes, les jeunes, les vieux, les animaux ; qui s’intéresse aussi bien à la littérature qu’au travail des associations locales, à la fiction et au documentaire ; un film où l’on travaille et où l’on dort ensemble, et qui ne s’occupe que des âmes sensibles et des corps.

Antoine Thirion
Programmateur, auteur et membre de la commission Image/mouvement du Cnap